Un mien copain facebookien parle excellemment des bouquins qui lui tombent sous la main (romanslus.canalblog.com). La lecture d’une de ses critiques pertinentes m’a convaincu il n’y a pas si longtemps de lire un auteur que je connaissais sans l’avoir jamais lu. Je lui rends grâce. Ce livre, je l’ai dégusté. Je l’ai lu par courtes rasades dont pour chacune je me suis régalé tant la langue est sublime et l’expression profonde. Il s’agit pourtant d’un thème gravissime : l’esclavage des Noirs d’Afrique et ses conséquences sur les descendants actuels. Tout cela est vu à travers le prisme de la disparition de sa maman Man Ninotte. On ne peut qu’être rasséréné par l’abolition de l’esclavage, évidement, mais je me suis toujours demandé comment une telle abomination avait pu exister. Comment des Blancs « civilisés » avaient pu l’organiser. Quand on est jeune, Blanc et issu de la classe moyenne, on ignore le vrai visage de la nature humaine. Plus tard je me suis dit que c’était bien loin de nous tout ça aujourd’hui, pour ne pas dire que cela restait abstrait pour ceux qui ne l’avaient pas vécu. Ce livre m’a fait revenir sur tous les préjugés que je conservais à l’insu de mon plein gré. Je n’avais aucune conscience des traces qui marquent les descendants actuels des esclaves.
Il y a le mystère de ces Sapiens qui ne virent aucun dieu dans les forces de la nature ou dans les animaux surpuissants. Ceux qui, éprouvant l'intuition du divin, du sacré, ne les transformèrent en aucun dogme, aucune Eglise, reçurent l'émerveillement primal de la conscience comme un bonheur à recueillir. Ceux qui ne se laissèrent coloniser ni par le blé, ni par l'orge ou le millet, lesquels allaient enraciner l'humanité aux sillons agricoles, l'atteler à des maisons et des propriétés, la livrer aux armées et aux guerres. Ceux qui gardèrent des amis parmi les animaux sans jamais les retenir en clos et pâturages. Ceux qui surent admettre l'abîme de l'en-dehors sans vouloir l'occulter, et s'accomoder qu'il demeure grand ouvert, et qui conservèrent ce rapport inaugural, mi-terrifié mi-émerveillé, face aux splendeurs et aux désastres inexplicables. Ceux qui conservèrent cette jonction ouverte à une terre ouverte, sans limites, sans clôtures, aux voyages sans fin, au goût de découvrir les plaines où s'en allaient les vents, au désir de connaître les paysages où tombait le soleil, au voeu de tout savoir des rives d'où chaque matin il s'élevait. Oui, vraiment, ceux qui surent préserver une présence sur terre semblable à celle de l'eau, cousine de celle du vent, tissée de nuit et d'ombre...Ceux-là furent des hommes de poésie pure.