C’est une histoire vraie, ou comme une histoire vraie. C’est une jolie histoire mais pas tout à fait. C’est un coup de foudre comme qui dirait unilatéral, enfin, cela reste en suspension. Je parierais qu’ils vont se retrouver un jour ou l’autre ces deux là ! Enfin peut-être ! Personnellement, cela me rassurerait. Je suis fan des coups de foudre. Et puis non, la vie les sépare trop. Ils auraient dû, ils auraient pu…et puis, ce n’est pas moi, je ne suis pas concerné, il suffit que je regarde cette jolie histoire de l’extérieur, par la fenêtre du livre. Mais je me projette trop facilement. C’est aussi parce que je retrouve toutes les sensations si délicieuses, si vivifiantes, si transcendantes, si délicates, si profondes, d’une relation à deux sans écueil, sans heurt, une complicité quasi fusionnelle, avec aussi des moments de découragement, l’autre n’étant pas tout à fait à soi, il y aurait peut-être même un troisième larron, un compagnon. Le narrateur, mais peut-être le ressent-elle aussi, sait qu’il manque quelque chose, mais il l’avoue, il n’ose pas. Il devrait non ?
Comment m’est parvenue cette jolie petite histoire ? De la plus étrange des façons. Pour moi en tout cas. Par Ruquier figurez-vous. Enfin, de manière détournée. Je ne regarde quasi jamais Ruquier. Tout ce qui est mis en épingle par les cadors de la télé a le don de m’exaspérer, en général, et Ruquier en particulier. Je ne vais pas vous parler d’Hanouna, hein ! Et puis là, par l’intermédiaire de Christine Angot de cette émission qui n’est pas encore allée se coucher, apparaît un écrivain de l’écurie Gallimard, coaché par Philippe Sollers quand même, mes respects, un certain Marc Pautrel, jamais paru à la télé, même locale, et son minuscule (par le nombre de pages) roman. Et bien, il est bien joli. Une étoile brille dans le firmament ensanglanté du monde.
Chaque seconde de ce dîner sera pour moi sacrée, jusqu’à la dernière, celle qui nous séparera puisque toujours je finis par être séparé des femmes dont je tombe amoureux. La séparation est devenue une constante de mon existence qui m’a forcé à changer de vie, et c’est pour ça que je me suis retrouvé romancier : je veux tout transformer en légende, créer une boucle continue, doubler l’éternité.
Marc Pautrel, La vie princière, Gallimard